William Shakespeare est un incontournable de la littérature mondiale. Ses œuvres transcendent les frontières linguistiques et culturelles, mais la traduction de ses pièces et poèmes pose de nombreux défis. Comment rendre la poétique et les jeux de langue de Shakespeare tout en restant fidèle à son style unique ? Examinons cela de plus près.
Le défi de la fidélité linguistique
La traduction de Shakespeare, en particulier en langue française, est un enjeu complexe. Le travail du traducteur ne se limite pas à la simple transposition des mots d’une langue à une autre. La richesse de la langue de Shakespeare, ses jeux de mots, la musicalité de ses vers, et les multiples niveaux de signification rendent cette tâche ardue.
Dominique Goy-Blanquet, Jean-Michel Déprats et Yves Bonnefoy sont parmi les traducteurs les plus réputés pour leurs versions des pièces de Shakespeare. Chaque traducteur apporte sa propre interprétation, et il n’est pas rare que les traductions divergent sensiblement les unes des autres. Par exemple, dans "Le Roi Lear", la réplique "Blow, winds, and crack your cheeks!" peut être rendue de différentes manières, chacune ayant ses propres nuances.
Henri Meschonnic soulignait l’importance de préserver le rythme et la prosodie de l’original, ce qui est souvent un véritable casse-tête. La traduction doit être à la fois fidèle à l’esprit de l’œuvre et accessible au lecteur moderne, tout en évitant la tentation de moderniser excessivement le texte.
Les spécificités culturelles et historiques
Les pièces de Shakespeare sont imprégnées de références culturelles et historiques spécifiques à l’Angleterre élisabéthaine. Ces références peuvent être obscures pour le lecteur contemporain et encore plus pour un public étranger. Le traducteur doit donc trouver un équilibre entre la fidélité à l’original et la clarté pour le lecteur.
Prenons l’exemple de "Hamlet". La célèbre tirade "To be, or not to be" est mondialement connue, mais les subtilités culturelles et philosophiques qui l’accompagnent ne sont pas toujours évidentes. Les traducteurs doivent souvent faire des choix difficiles pour conserver l’essence du texte tout en le rendant compréhensible.
Jean-Michel Déprats, qui a traduit de nombreuses œuvres de Shakespeare, insiste sur la nécessité de comprendre le contexte historique et culturel pour saisir les implications des jeux de mots et des références. Par exemple, les termes juridiques ou militaires dans "Henry V" nécessitent une connaissance approfondie de l’époque pour être correctement rendus en français.
La poétique et le rythme
L’un des aspects les plus délicats dans la traduction des œuvres de Shakespeare est la préservation de la poétique et du rythme. Shakespeare utilisait souvent le pentamètre iambique, un mètre qui peut être difficile à reproduire en français. Le traducteur doit donc trouver des solutions créatives pour maintenir la musicalité et le rythme sans trahir le texte original.
Yves Bonnefoy a beaucoup travaillé sur cette dimension poétique, cherchant à rendre la beauté des vers de Shakespeare tout en respectant les contraintes du français. L’une des difficultés est que le français, étant une langue plus longue syllabiquement que l’anglais, nécessite parfois des ajustements métriques pour respecter le rythme.
Jean-Michel Déprats et Dominique Goy-Blanquet ont également exploré ces défis dans leurs traductions. Par exemple, dans "Macbeth", le célèbre vers "Out, out, brief candle!" doit être rendu de manière à conserver sa force et son impact poétique. Les choix de traduction influencent directement la manière dont le texte sera perçu et interprété par le lecteur.
La mise en scène des traductions
Les traductions de Shakespeare ne sont pas seulement destinées à être lues, elles sont également conçues pour être mises en scène. Cette dimension ajoute un autre niveau de complexité, car le texte doit être à la fois fidèle et performant.
Michel Déprats a souvent travaillé en étroite collaboration avec des metteurs en scène pour adapter ses traductions aux besoins spécifiques du théâtre. Par exemple, dans "Le Songe d’une nuit d’été", les jeux de mots et les dialogues rapides doivent être rendus de manière à être compréhensibles et impactants en live.
La mise en scène implique également des choix de diction et de jeu d’acteur. Les jeux de langue et les subtilités poétiques doivent être accentués ou, parfois, simplifiés pour garantir qu’ils sont perçus par le public. Cela nécessite une collaboration étroite entre le traducteur, le metteur en scène et les acteurs pour créer une interprétation cohérente et fidèle.
Les traductions modernes et l’impact sur l’œuvre
Les traductions modernes de Shakespeare tentent souvent de rendre ses œuvres plus accessibles au public contemporain. Cependant, cela soulève des questions sur l’impact de ces traductions sur l’œuvre originale. Moderniser le texte peut rendre Shakespeare plus compréhensible, mais peut aussi altérer son essence.
Prenons l’exemple de Jean-Michel Déprats. Ses traductions sont souvent louées pour leur clarté et leur accessibilité, mais certains puristes critiquent le fait qu’elles sacrifient la complexité et la richesse de l’original. Le dilemme est de savoir jusqu’où aller dans la simplification sans trahir l’esprit de Shakespeare.
Dominique Goy-Blanquet et Yves Bonnefoy ont également exploré ces questions. Dans "Othello", par exemple, les émotions complexes et les dilemmes moraux des personnages doivent être rendus de manière à toucher le lecteur moderne tout en conservant leur profondeur originale.
Les traductions modernes peuvent également influencer la manière dont les œuvres de Shakespeare sont enseignées et comprises. Elles rendent les pièces plus accessibles pour les étudiants et le grand public, mais soulèvent également des questions sur la fidélité et l’intégrité de l’œuvre.
Traduire Shakespeare est un véritable exercice d’équilibriste. Il s’agit de rendre la poésie et les jeux de langue tout en restant fidèle à l’esprit et au style de l’auteur. Les traductions de Shakespeare sont autant d’interprétations, influencées par les choix du traducteur et les particularités de la langue cible.
Le défi est de trouver un juste milieu entre la fidélité à l’original et l’accessibilité pour le lecteur moderne. Les travaux de Jean-Michel Déprats, Yves Bonnefoy, et Dominique Goy-Blanquet montrent que chaque traduction est une œuvre à part entière, reflétant les choix et les préférences du traducteur.
Ainsi, les résultats sont toujours un enrichissement pour la langue française, offrant de nouvelles perspectives sur les chefs-d’œuvre de William Shakespeare. Que vous soyez un amateur de théâtre, un étudiant ou un professionnel de la langue, les traductions de Shakespeare vous offrent une plongée fascinante dans un univers littéraire complexe et captivant.